C’est une de ces journées de décembre où le ciel et la mer se confondent dans un gris uniforme. Un temps parfait pour pêcher la coquille Saint-Jacques. Il est 11 h 30 et il n’y a plus un seul bateau de pêche derrière les jetées de Saint-Quay-Portrieux, l’un des rares ports des Côtes-d’Armor accessibles à toute heure de la marée. À la station SNSM, le président Didier Lebeau et le vice-président Hervé Duchesne finissent de déballer du matériel. En l’espace de dix minutes, l’équipage de six bénévoles est au complet et en tenue de mer, bien vite rejoint par un sapeur-pompier infirmier pour les épauler si besoin.
Nous descendons tous les huit sur le ponton de la vedette de première classe SNS 156 Sainte-Anne-du-Port et appareillons à 12 h 15, cap au nord-ouest, direction le Grand Léjon. Ce banc de roches surmonté d’un grand phare rouge et blanc se trouve à l’entrée de la baie de Saint-Brieuc. De cette position, la SNS 156 sera bien installée pour intervenir très rapidement en cas d’accident sur l’un des quelque deux cent trente chalutiers disposant de la licence obligatoire pour pêcher la coquille Saint-Jacques dans la baie. Gérée depuis cinquante ans par le Comité des pêches des Côtes-d’Armor, cette activité, qui vient d’être labellisée « pêche durable » par le Fonds mondial pour la nature (WWF), est strictement réglementée. Jours et temps de pêche, matériel, taille des coquilles, poids maximum de la pêche autorisée… Chaque sortie est déterminée par une étude annuelle de l’Ifremer. Tout est réglementé, même les horaires de pesée. Sur les chalutiers venus d’Erquy, de Saint-Quay, du Légué, de Saint-Malo, de Paimpol, de Loguivy-de-la-Mer, de Perros-Guirrec ou encore, pour quelques-uns, de Bretagne sud, l’heure est aux dernières vérifications. On inspecte les gros filins d’acier, les poulies et les treuils qui relient les bateaux aux deux dragues qu’il est permis d’embarquer. Ce sont de lourds râteaux en acier de 2 mètres de large, dotés d’une poche en gros filet d’acier destinée à recueillir les coquilles Saint-Jacques. Ils seront tirés sur le fond à quatre ou cinq reprises pendant les quarante-cinq minutes d’ouverture de la pêche, fixée en fonction de la marée, aujourd’hui à 12 h 45.
Un véritable sprint pour les pêcheurs. Dans ces conditions, une seconde d’inattention ou un bris de matériel provoque vite un accident, même s’ils sont moins nombreux qu’autrefois, les bateaux étant plus solides, mieux entretenus et les pêcheurs mieux formés. Mais le risque est réel. Aussi, le Comité des pêches fait-il appel à la SNSM pour renforcer la sécurité sur la zone en anticipant le positionnement de moyens de secours près des embarcations. D’octobre à avril, le temps que dure la campagne coquillière, les stations de Saint-Quay, d’Erquy et de Loguivy-de-la-Mer se relaient chaque semaine auprès des chalutiers. Trois sorties hebdomadaires jusqu’à Noël, puis deux à partir de janvier. Une mission supplémentaire est prévue lorsque plus de cent bateaux sont autorisés à effectuer une pêche de « rattrapage » pour compenser une sortie annulée, notamment en raison de la météo.
Du petit doigt écrasé au bateau qui coule
« Nous sommes bénévoles et ne sommes donc pas rémunérés pour ces opérations, mais le Comité des pêches nous rembourse les frais de carburant, précise Hervé Duchesne. Il y a des accidents de temps à autre, plus ou moins graves. Cela va du petit doigt écrasé au choc de poulie sur la tête. Parfois même un homme à la mer, des abordages ou un bateau qui coule. » La présence à bord du sapeur-pompier infirmier est donc particulièrement appréciée par l’équipage. Ces interventions peuvent être très délicates.